L’ ère de l’enfilé

Le mariage de Renaud de Montauban
(Héros légendaire de la littérature médiévale) et Clarisse
Loyset Liédet vers 1470

En Europe, c’est au moyen âge que débute réellement cette rencontre de la peau et de l’étoffe en pénétrant dans l’ère de l’enfilé qui remplace le drapé de l’antiquité.
Par un travail de coupe et de matières accessoirisées, le costume fait parler le corps, d’abord en sexualisant l’apparence car c’est ici que féminin et masculin entament leur longue séparation qui atteindra son apogée à la fin du XIXème siècle quand les deux silhouettes n’auront jamais été autant opposées tant par la forme que par les matières et les nuances.


Les deux sexes se retrouveront à nouveau au XXème siècle quand le pantalon, réservé jusqu’ici à la gent masculine, sera porté enfin par une femme !


La religion et le mysticisme très présents, s’appuient sur l’apparence vestimentaire pour dicter leurs principes moraux. Aux yeux des moralistes, le vêtement est le reflet de l’âme. 
Ainsi si les jambes de l’homme sont révélées, mises en valeur, moulées dans des chausses tandis que celles de la femme sont dissimulées sous une robe longue appelée surcot et ne réapparaitront seulement à la vue de tous qu’au tout début du XXème siècle.

La silhouette féminine se dessine en courbes et lignes sinueuses évoquant une fécondité exagérée par un ventre proéminent et parfois même postiche.

La poitrine est quant à elle écrasée par un bandeau vertueux, préfigurant l’arrivée prochaine du corset quand celle de l’homme est valorisée dans un pourpoint qui n’en finira pas de s’élargir jusqu’à la fin de la Renaissance, symbolisant sa toute puissance.

La parure permet de classer les individus dans la société.
Ainsi on remarque les poulaines, souliers masculins, étirés ici par le pinceau du peintre pour souligner l’ importance de l’homme qui les porte. 

À cette période comme de tout temps, l’apparence vestimentaire avant de symboliser la personnalité de l’individu, exprime l’appartenance sociale.
Cette distinction est représentée également par la taille des chapeaux, hénins pour les femmes et bonnets pour les hommes ainsi que par la longueur des traînes des houppelandes, vêtement mixte de dessus, richement ornementé en fonction toujours de celui ou celle qui la revêt.



Enfin, l’habit permet la différenciation, évoquée par les coupes, les tissus, les accessoires mais surtout par les couleurs qui seront parfois proscrites par des lois somptuaires à partir de cette époque.
Au premier coup d’œil, les teintes chatoyantes des costumes des invités de la cérémonie ne peuvent nous tromper, il est question évidemment d’un mariage de la noblesse. 

L’amour courtois, cet art de vivre qui se propage dans toute l’Europe du moyen âge use de codes colorimétriques pour accompagner les chevaliers dans leur parcours initiatique avant d’atteindre le cœur des damoiselles. 

Les vives enluminures qui illustrent les premiers manuscrits sont autant de preuves de l’importance des couleurs et de leur symbolisme.

©Photo. R.M.N. / R.-G. OjŽda