
Grace Kelly avec sa mère chez Christian Dior
1954
1950, la moitié d’un siècle. Entre deux âges, deux périodes, celle du passé, de l’ancien monde, traditionnel et conservateur et celle du lendemain, du monde moderne et du progrès.
Deux silhouettes coexistent dans un même décor.
La première est corsetée, sculptée, pomponnée à l’image d’un corps moulé dans un parfait carcan. Elle est mise en lumière dans la première collection de haute couture de Christian Dior que Carmel Snow, rédactrice en chef du fameux magazine Harper’s bazar, appellera « new look ».
Une collection emblématique qui fait parler d’elle avec sa fameuse silhouette en « sablier » qui pousse l’élégance et la mise en valeur des lignes féminines à son extrême en caricaturant les formes et les courbes.
On pourrait presque y voir un dernier hommage à la femme d’hier avant qu’elle ne soit remplacée et oubliée.
C’est aussi l’image du travail bien fait, de la recherche de l’excellence et de l’onirique. Un idéal conçu par des hommes, majoritaires dans le métier de la création, qui continuent à encager la femme dans un corps de rêve.
Christian Dior qui aurait rêvé être architecte, conçoit même un code des silhouettes qui questionne encore une fois sur le rapport du corps au vêtement.
« Une robe telle que je la conçois est une architecture éphémère destinée à exalter les proportions du corps féminin. » disait-il.
La seconde silhouette est représentée par une jeunesse qui marque une coupure radicale. Les premiers balbutiements d’un féminisme naissant en plein bouleversement culturel et économique.
Une volonté de libérer un corps entravé et silencieux depuis trop longtemps figurée par l’image de la pin-up, symbole de sensualité et d’érotisme utilisée notamment par la publicité, en plein essor à ce moment-là.
L’histoire de la mode s’écrit en Europe depuis le moyen âge mais on parle dès lors du modèle américain qui influencera le reste du monde jusqu’à aujourd’hui.
On ne veut plus ressembler à maman mais plutôt à Marilyn, Audrey ou Grace, icônes d’une époque en pleine mutation. Les jeunes hommes suivent le même mouvement avec James Dean, Brando ou Elvis en portant cuir, jean et t-shirts en coton simultanément avec la décontraction générale de la tenue masculine.
Les vestes acquièrent plus de fluidité, la coupe est moins rigide, les épaules moins structurées, le style est plus contemporain.
On porte des mocassins, des chapeaux trilby, des cravates fines et on ose les couleurs et les motifs timidement d’abord, par petites touches, dans les détails.
Ces années assistent au redécollage de la haute couture et du luxe qui était en crise depuis les années 30.
C’est une période de grande création poussée par cette envie d’après-guerre de frivolité, de plaisir et consommation.
De grand noms présentent leurs premières collections et fondent leurs maisons :
Hubert de Givenchy, Cristòbal Balenciaga, Jacques Fath, Pierre Cardin ou Pierre Balmain.
Mais parallèlement et paradoxalement c’est également l’essor du prêt à porter avec l’arrivée sur la scène d’ Yves St Laurent, Courrèges et Chanel qui vont révolutionner et émanciper la mode présageant l’ arrivée des années 60.
Coco Chanel marquera l’époque en 1954 avec son tailleur. Le modèle mythique à l’esprit androgyne et moderne est en adéquation avec la jeune génération.
L’ère de la confection fait place à celle de la grande distribution. Les silhouettes s’uniformisent et de nouvelles matières innovantes révolutionnent le milieu comme l’acrylique ou le polyester, issus de fibres synthétiques chimiques qui vont permettre d’accélérer production et rentabilité.
La haute couture et le prêt à porter vivent leur âge d’or et représentent le premier secteur économique en France.
Cette époque que l’on appelle les années 50, qui ne rêvait que de beauté, de confort et de plaisir après des années de crises et de conflits, nous fait réfléchir aujourd’hui au besoin et à la nécessité que nous avons de ralentir la mode dans un contexte inquiétant de surconsommation.
Là encore subsiste cette corrélation évidente entre le vécu et le vêtement.
Et pour finir, Yves saint Laurent définissait la mode comme un éternel recommencement. La tendance actuelle de la taille haute, ceinturant les ventres féminins et des corsages ajustés célébrant l’harmonie des courbes ne rappellerait-elle pas ce désir de célébrer une féminité éternellement remise en question ?













