
The Dance
Hermann Maurice Cossmann
Scène du 17ème siècle
Qui n’a jamais entendu conter que la mode est une affaire de femmes, que ce sont elles qui la font, la défont, se plaisent à «parler chiffons », s’en crêpent le chignon et s’en font tout un boniment ?
Il est vrai que leur vestiaire est largement plus varié que celui des hommes et que c’est à ces dames, que les créateurs et les marques s’empressent d’offrir un choix infini de coupes, de coloris et d’imprimés à leur en faire tourner la tête.
Cela n’a pourtant pas toujours été le cas et le changement s’est effectué seulement à la toute fin du 18ème siècle.
Au cours des siècles précédents et depuis le moyen âge, les habits féminins et masculins se différencient et rivalisent.
Mais une période se distingue, celle du 17ème siècle quand la mode est majoritairement dirigée par les hommes, plus particulièrement par le roi et sa cour.
Elle déploie les plus grandes extravagances jusqu’à susciter la critique et la parodie exprimées dans les écrits de Molière et ses précieuses ridicules (1659) ou ceux de Jean de la Bruyère dans les caractères (1688) :
« Une chose folle et qui découvre bien notre petitesse, c’est l’assujettissement aux modes».
La singularité de cette époque se définit en effet par des signes révélateurs de puissance masculine bien différents de ceux du siècle précédent :
Les vestes rembourrées et encombrantes ( pourpoints ) sont remplacées par des vestes ajustées ( justaucorps), les larges chaussures “pattes d’ours” par d’élégantes chaussures à talons et les barbes viriles par de fines moustaches sur un visage imberbe.
Les hauts de chausses gonflés deviennent une jupe culotte (rhingrave) qui se transformera ensuite en culotte, ancêtre du pantalon.
Les costumes se surchargent de rubans, pompons et autres falbalas aux teintes rose, bleu ou jaune présageant l’arrivée prochaine du rococo.
Les cheveux se portent longs pour ceux qui ne sont pas autorisés à porter la perruque et l’on peut croiser certains hommes portant la boucle d’oreille au tout début du siècle.
Même le corps militaire suit les tendances et la silhouette du mousquetaire devient figure de coquetterie.
La tendance est à l’imagination, l’abondance des détails, la préciosité et le foisonnement. Des valeurs qui incarnent le mouvement baroque représenté dans tous les arts.
Les nouvelles découvertes récentes de Copernic sur le nouveau monde remettent en question la société et ses croyances et attisent le goût pour la liberté.
Louis XIV, protecteur des arts et des lettres, adepte du luxe, de l’opulence et des frivolités, affranchit l’habit en le débarrassant de ses accessoires rigides et oppressants qui emprisonnaient les corps et soutenaient les lourds tissus sombres de la période précédente, sous la Renaissance.
Le costume féminin connaît les mêmes transformations.
Les rigides vertugadins (paniers) disparaissent au profit de jupons et le corps se dévoile en laissant apparaître les épaules, le décolleté et les poignets, abandonnant les cols (fraises), les lourdes manches et les manchettes.
Les cheveux, portés lâchés et bouclés, sont délivrés des chastes coiffes et des voiles. Ils symbolisent l’émancipation des fondamentaux religieux et des valeurs rigoristes du passé.
Cela ne va pas sans déplaire à la morale qui dénonce toujours l’indécence de l’obscénité corporelle et de l’opulence vestimentaire.
Bien plus qu’une coutume, l’habit constituait alors un culte, une force, une prépotence, capable d’imposer des règles, de classifier et de régner sur tout un peuple.
Le roi utilise la parure afin d’imposer son autorité. Homme de petite taille, il porte les talons et la perruque afin d’allonger sa silhouette
Seule une poignée d’aristocrates proches de la cour est autorisée à les porter mais aucun n’oserait chausser le talon rouge, marque royale ni la perruque aussi haute que le roi soleil car encore une fois, l’élévation du rang est ainsi signifiée. Imaginons alors les efforts nécessaires pour atteindre ces hauteurs !
Les femmes, dont le rôle vestimentaire était bien inférieur et dont la tenue n’était finalement qu’une copie de celle de l’homme, s’évertuaient à trouver des stratèges pour lui ressembler. C’est ainsi que fut créée la fameuse coiffe à la fontange par une des maîtresses du roi, la duchesse éponyme des fontanges.
La cour de Versailles impose la mode française dans toute l’Europe. Des poupées grandeur nature sont envoyées à l’étranger. C’est le début du mannequinat !
La mode connaît ses premières saisonnalités et variations de coupes, tissus et imprimés.
L’industrie textile est en plein essor et l’on voit arriver de nouvelles étoffes, soieries chinoises ou cotonnades indiennes, rapportées par les compagnies marchandes.
Le « mercure galant », l’une des premières revues françaises, fondé en 1672, expose chaque semaine des illustrations des dernières tenues et enjoint d’ores et déjà les toutes premières tendances de mode à suivre.
Pour signifier son hégémonie, la cour édicte de strictes réglementations et l’État promulgue parallèlement des préceptes afin de restreindre les excès du luxe et des dépenses de l’aristocratie et de la bourgeoisie qui commence à s’affirmer.
Jamais l’histoire n’a connu autant de traités et d’édits consacrés à l’apparence vestimentaire. Cette époque pourrait incarner à elle seule le pouvoir de la mode.
Un pouvoir qui n’a jamais vraiment cessé d’exister quand on observe de nos jours les signes ostentatoires portés par certains individus et influencés par les marques de luxe.
Quand seul le roi soleil s’autorisait à porter le talon rouge, qu’en a pensé le créateur de chaussures Christian Louboutin en choisissant cette même couleur pour distinguer sa marque ?










